Chaque année, Netexplo – l’Observatoire des tendances et de technologiques & numériques – capte et décrypte les meilleures innovations du monde. Sylvain Louradour  m’a donné la parole lors de l’édition de cette année qui met l’accent sur une tech. « sustainable »

Comment penser les solutions pour s’adapter à un monde en profonde mutation ?

Nature, vivant, environnement, monde sauvage… aucun terme ne semble décrire ce monde, dont nous faisons partie tout en s’en tenant éloigné. Quel terme vous semble le plus adéquat ? 

Il est effectivement devenu difficile de nommer et donc de conceptualiser et donc d’agir. Les apories auxquelles nous arrivons me semblent être la preuve que nous devons trouver de nouvelles manières de concevoir nos relations, nos liens avec ce qui nous entourent et nous penser dans ces liens.

J’aime beaucoup la pensée écologique  développée par Timothy Morton et le maillage qu’il évoque : « Chaque entité du maillage parait étrange. Rien n’existe par soi-même, et donc rien n’est complètement “soi-même”. » Qui vide de sens le concept de « nature ». Ce renouvellement conceptuel est d’autant plus nécessaire que notre société, nos organisations, l’Homme lui-même sont radicalement transformés par notre entrée dans l’ère numérique. En abandonnant la civilisation analogique ne devrions-nous pas abandonner ses concepts ? Oser penser plus loin. « La profanation du sacré est la tâche de la génération qui vient » … Giorgio Agamben décrit très bien ce qu’il nous reste à faire.

La 3eme partie du livre explorera l’écoute comme nouvelle posture face à la nature. Est-ce une attitude qui vous parle ?  

« L’écoute » est une proposition intéressante, si on l’envisage comme une volonté de donner une attention particulière à ces « liens » dans lesquels nous sommes pris. C’est-à-dire supprimer toute hiérarchie et envisager chaque élément dans une position d’égalité.

Mais ce qui me dérange un peu c’est qu’une limite est très vite trouvée : il faut être en mesure de décrypter ce qu’on écoute pour faire de ces bruits et murmures des signes interprétables.

Ensuite, autre limite, l’écoute n’implique pas l’action…

La question du récit (perte du récit, récit collectif…) vous semble-t-elle une question vraiment intéressante vu l’urgence de la situation climatique ? Ne nous détourne-t-elle pas de l’action ?

Je ne pense pas que l’un et l’autre s’excluent. Nous sommes profondément des êtres de récit. Sans lui pas d’élans communs, pas de mutualisation des courages et d’actions possibles, or nous avons besoin de ce souffle-là. 

Et notre époque étant celle des individualités et des crises polymorphes nous oblige à penser contre elle. Et pour y parvenir, il nous faut trouver ce récit qui pourra nous transcender et porter nos actions. Penser ce futur et vivre le récit qui nous y portera.